Évolution du moteur Moto Guzzi V9
Des décennies de raffinement ont donné naissance à ce merveilleux V-twin

Moteur Moto Guzzi V9. Bruno dePrato
Maintenant que le petit bloc V-Twin de Moto Guzzi a atteint sa pleine maturité - avec son évolution finale jusqu’au 850cc
de la dernière V9 - il est intéressant de retracer l’histoire de ce moteur controversé.
Ce moteur a été demandé par feu Alejandro De Tomaso, après l’échec de la Benelli 254 et le destin plutôt maigre de la Moto
Guzzi 350 Four et de la Benelli 504. C’est vers 1975 que M. De Tomaso a demandé à l’équipe technique de De Tomaso Automobili de travailler sur un moteur
bicylindre de 350/500 cm3 conçu autour du même V transversal à 90° qui avait contribué à la légende de Moto Guzzi depuis 1965 (lorsque le V7
original de 703 cm3 a été officiellement présenté à l’EICMA).
C’était une décision intelligente - comme c’était souvent le cas avec M. De Tomaso - mais malheureusement, le projet a souffert des compétences limitées
du personnel technique et des raccourcis techniques imposés par M. De Tomaso, qui n’était pas un spécialiste des moteurs. Le fait que le grand ingénieur
en chef de Moto Guzzi, Giulio Cesare Carcano, ait démissionné au moment où M. De Tomaso a pris les rênes du projet n’a pas aidé.
Note du ouebmaster : Carcano a été viré comme un malpropre en novembre 1966 au motif qu’il coûtait trop cher et n’était pas utile... De Tomaso ne
reprendra Moto Guzzi qu’en 1972.
|

Moteur Moto Guzzi V9. Bruno dePrato
L’entrepreneur argentin impose, entre autres, que les bielles récupérées sur le projet raté de la Benelli 254 soient
adoptées sur le nouveau bicylindre 350/500. Inspirés par le succès de la Moto Morini 350, les techniciens de De Tomaso adoptent une chambre de combustion
de type Héron. Mais ils ratent les orifices d’admission et la configuration de la chambre de combustion (afin d’obtenir les turbulences correctes).
Dans un test comparatif que j’ai effectué à l’époque entre la Moto Morini 350, la Ducati Pantah 350 XL et la Moto Guzzi 350 Imola, cette dernière se
classait dernière dans tous les domaines de performance.
|

Moteur Guzzi V9 - Image CAO. Source Moto Guzzi
La V35 (66 mm d’alésage x 50,6 mm de course) et la V50 (74 mm d’alésage x 57 mm de course) étaient toutes deux victimes de
grippages inacceptables. Cela était dû à l’utilisation de bielles beaucoup trop courtes provenant de la Benelli 254, ce qui faisait que le piston
parcourait la majeure partie de sa course à l’intérieur du carter, le cylindre étant si court qu’il ne comportait que deux ailettes de refroidissement.
L’étape suivante a été l’évolution vers la V65, toujours solidement sur-carrée à 80mm x 64mm. Enfin, des tiges de culbuteur plus longues ont été
installées.
La V65 a été développée à la fois avec le type Héron standard et avec 4 soupapes par cylindre, et était créditée de 60 chevaux. Elle était appelée la V65
Lario. Compacte et légère, la Lario était considérée par beaucoup comme une Le Mans junior, mais elle n’a jamais atteint les performances attendues : sa
distribution était en proie à des problèmes destructifs d’affolement de soupapes, sans compter que le cadre était désespérément flou...
|

Moteur Guzzi V9 - Image CAO. Source Moto Guzzi
C’est de cette série de faux pas qu’est née la V75, la version 744 cm3 créée en faisant passer la course du V65
de 64 à 74 mm, tout en conservant l’alésage de 80 mm. L’entraxe de la bielle a été porté à 130 mm, et les performances ont été maîtrisées pour retrouver
la fiabilité qui est un pilier de la tradition Moto Guzzi. La V75 a survécu aux multiples changements de propriétaires de Moto Guzzi au cours des 20
années qui ont précédé l’arrivée des propriétaires actuels, le groupe Piaggio.
La moto a été entièrement redessinée et rebaptisée V7 ; elle s’avére être la plus vendue de tous les modèles Moto Guzzi. Le moteur a été partiellement
modernisé avec l’adoption d’un corps de papillon unique de 38 mm et d’un très long collecteur d’admission en Y, ce qui a contribué à améliorer le couple
et la souplesse à bas régime. La puissance était de 48 CV à 6.200 tr/min, avec un couple maximal de 6,1 kg.m à 2.800 tr/min.
|

Culasse de Moto Guzzi V9. Source Moto Guzzi
Récemment, le petit bloc Guzzi a subi sa première refonte radicale en 40 ans. Le projet a débuté parce qu’il était
nécessaire d’augmenter la cylindrée afin de conserver le même niveau de puissance tout en respectant les normes antipollution Euro 4, plus strictes. Mais
les choses sont allées beaucoup plus loin.
La cylindrée est passée de 744 à 853 cm3 en augmentant l’alésage à 84 mm et la course à 77 mm. Le vilebrequin a été redessiné, mais les bielles
sont restées à la même mesure de 130 mm de centre à centre, ce qui devient un peu court par rapport à la nouvelle course. Giulio Cesare Carcano ne serait
peut-être pas d’accord, puisqu’il avait adopté des bielles de 150 mm sur son V7 de 700 cm3 à course de 70 mm. Mais la compacité a toujours été une
priorité pour les modèles V7 et V9 de Guzzi.
|
Coupe CAO du V9. Remarquez la zone de squish très compacte au PMH à droite - Source Moto Guzzi
Le moteur V9 n’est pas seulement compact, il est également léger avec 43,7 kg, soit seulement 2,5 kg de plus que le V7. La
conception thermodynamique a subi le changement le plus radical. La chambre de combustion de type Héron a disparu et a été remplacée par une chambre
hémisphérique classique.
Avant d’aller plus loin, je dois souligner que ce n’est pas la première fois que le bicylindre en V petit bloc reçoit un design de ce type. À la fin des
années 80, Umberto Todero, un assistant de longue date de Giulio Cesare Carcano, a développé une version spéciale de la V75. Compte tenu de l’alésage de
80 mm commun avec le V7 700cc original, il a adapté l’ancien design au V75 compact pour donner vie à une version spéciale utilisée pour les avions légers
et les drones.
Cette édition très spéciale du V75 était réputée pour ses performances et a été produite et vendue en nombre limité à l’armée israélienne, qui l’a
utilisée pour équiper un drone de surveillance.
La raison pour laquelle ce moteur n’a jamais été adopté sur les modèles Moto Guzzi V75 reste un mystère.
Note du ouebmasteur : Bruno dePrato semble oublier que le moteur dont il parle est le V75HIE
qui devait équiper l’Ippogrifo !
La V9 utilise des soupapes beaucoup plus grandes que la V7 : admission 40,5 mm (contre 33 mm), échappement 35,5 mm (contre 29 mm). Les soupapes sont
placées à un angle de 56°, une géométrie très similaire à celle choisie par le Dr. Giulio Cesare Carcano pour son V7 original et ses évolutions. La
chambre de combustion présente un profil hémisphérique net et compact, avec la zone de squish annulaire obligatoire. Le taux de compression est de 10,5:1,
comme sur la V7. Par rapport au moteur Carcano, le V9 utilise un profil de came “Polidyne” (dans les années 60, il n’existait pas encore) avec une levée
modérée - pour faciliter l’entretien et prolonger la durée de vie de la commande des soupapes - et un croisement presque nul.
Ce choix a été fait pour obtenir la combustion la plus complète possible des gaz admis et pour empêcher les hydrocarbures non brûlés d’être évacués, afin
de respecter la norme Euro 4 à l’aide d’un convertisseur catalytique relativement petit. La V9 utilise un système d’échappement presque identique à celui
de la V7, et respire également à travers le même corps de papillon unique de 38 mm.
|
Courbe de puissance et de couple du Guzzi V9. Source Moto Guzzi
Il délivre 55 CV à 6.250 tr/min et un couple maximal de 6,3 kg.m à 3.000 tr/min. Les courbes de puissance et de couple
offrent une réponse très douce sur une large plage de régime, ce que j’ai pu constater en conduisant la moto sur les cols alpins qui dominent Mandello del
Lario.
L’équipe Moto Guzzi a complété le développement du groupe motopropulseur en adoptant un embrayage monodisque de plus grand diamètre et un nouvel arbre de
transmission à double joint de Cardan qui permet de laisser la place à un pneu arrière plus large.
Le cadre a également bénéficié de nombreuses améliorations, mais la structure est restée fondamentalement inchangée. L’empattement est de 146 mm, contre
145 mm auparavant, et la roue avant a été rapprochée du centre de gravité de la moto de 20 mm. Ce rapprochement, ainsi que l’adoption d’un bras oscillant
plus long de 38 mm, a pour effet d’augmenter le poids à l’avant. Combiné à la réduction de l’angle de chasse de 27,5 degrés à 26,4 degrés, cela a
considérablement amélioré la réponse de la direction, son agilité et son feedback.
La Guzzi V9 Roamer est la meilleure Moto Guzzi légère de tous les temps.
|
Nouveau double joint de Cardan sur la V9 Guzzi V9 - Image CAO. Source Moto Guzzi
|
Nouveau double joint de Cardan sur la V9 Guzzi V9 - Image CAO. Source Moto Guzzi
|